Moi aussi j'ai été un brésilien

Moi aussi j'ai été un brésilien


Moi aussi j'ai été un brésilien
moreno comme vous.
J'ai gratté guitare, conduit Ford
et appris accoudé dans les cafés
que le nationalisme est une vertu.
Mais vient une heure où l'on ferme les bars,
où l'on nie toutes les vertus.

Moi aussi j'ai été poète.
Il me suffisait de regarder une femme,
et je songeais aussitôt étoiles
et autres substantifs célestes.
Mais il y en avait tant, le ciel était si grand,
ma poésie s'y est embrouillée.

Moi aussi j'ai possédé mon rythme.
Je faisais ceci, disais cela.
Et mes amis me chérissaient,
mes ennemis me détestaient.
Ironique, moi je glissais
satisfait d'avoir mon rythme.
Mais j'ai fini par tout confondre.
Aujourd'hui je ne glisse plus, oh ! que non,
Je ne suis plus ironique, oh ! que non,
Je n'ai plus de rythme, oh ! ça non.


Carlos Drummond de Andrade

Traduction de Didier Lamaison
Revue par Claudia Poncioni.

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